Nord-Kivu : Les conséquences humanitaires des crises M23 et ADF en Diocèse de Butembo-Beni
Kavogho est déplacée de guerre, cheffe de ménage de taille six et est âgée de 20 ans. Elle a foui la localité de Mbingi, un village de la zone de santé de Alimbongo en territoire de Lubero. Il y a un mois depuis décembre 2024, elle était dans sa parcelle lorsque les rebelles du M23 ont envahi son village de Mbingi.
« Le mercredi de noël, les affrontements entre FARDC et M23 se sont passés dans mon village. Nous pensions que le M23 était des militaires congolais, mais non ! Nous avons dû fouir le village Mbingi via le village de Kasugho, craignant les violences armées qui pourraient être à la route nationale II » raconte-t-elle.
Ainsi, Kavugho et son époux, leur enfant d’une année et quatre mois et trois autres jeunes ont dû fouir Mbingi jusqu’à Butembo, une ville située à plus de 100 kilomètres au nord de son village d’origine. Il leur a fallu quatre jours de marche pour arriver à Butembo.
« Je n’ai pas de famille ici en ville de Butembo. Depuis tout ce temps, je vis chez un chef de quartier en commune Vulamba. Au début, nous sommes arrivés et passer 3 jours à la belle-étoile au balcon. Nous avons trouvé un homme qui nous a orienté chez le chef de quartier. Heureusement, il avait deux chambres chez lui, et il nous a accordé ces chambres » relate Mme Kavugho.
A Butembo, cette déplacée de guerre n’a pas de famille et de connaissance. Pourtant, elle a dû fouir avec un garçon de 12 ans et deux filles de 15 ans et 17 ans. A cet âge, les filles ont des besoins spécifiques pour leur hygiène menstruelle. Les deux filles et la mère de l’enfant n’ont pas des dispositifs nécessaires pour leur santé sexuelle, pourtant une exigence sanitaire vitale et nécessaire pour leur dignité féminine.
Le mari de Kavugho n’a aucun boulot. Butembo étant une ville hospitalière aux déplacées, la mère de l’enfant d’une année et 4 mois circule de boutique en boutique, et d’autres espaces publics pour quémander auprès de bonne volonté pour trouver de quoi nourrir sa famille. Avant la guerre du M23, elle n’avait jamais imaginé qu’elle serait mendiante.
« Chaque jour, je quitte mon domicile aux environs de 12h. En moyenne par jour, j’ai 10 milles francs congolais. C’est de ça que ma famille et moi nous survivons ici à Butembo » dit la déplacée Kavugho.
Kavugho, un cas parmi une centaine des déplacés à Butembo
Avec le M23 en province du Nord-Kivu, il y a une crise humanitaire majeure. C’est sans oublier, des conflits armés persistants et impliquent les Forces démocratiques alliées (ADF) dans les territoires de Beni et Lubero depuis octobre 2014.
Ces violences continuelles ont entraîné des déplacements massifs de populations. Selon les données gouvernementales et humanitaires, la province du Nord-Kivu comptait déjà plus de 5 millions de déplacés avant la récente intensification des hostilités. Rien qu’en mars 2024, plus de 165 000 personnes ont été nouvellement déplacées vers Lubero, fuyant les violences dans les territoires de Rutshuru et Masisi après l’intensification des combats par le mouvement du M23 contre les FARDC. Ainsi, les besoins humanitaires ont accru dans la zone. Les femmes, les personnes du troisième âge, les personnes à mobilité réduite ainsi que les enfants sont les plus vulnérables pendant ce moment de crise.
Besoins prioritaires des déplacés en Diocèse de Butembo-Beni
Les personnes déplacées dans ces régions font face à des besoins humanitaires urgents :
- Sécurité alimentaire : L’accès à la nourriture est une préoccupation majeure. Les ménages déplacés et les familles d’accueil n’accèdent plus à leurs champs. Ainsi, bien que les aides alimentaires soient là, mais elles sont souvent insuffisantes, obligeant les déplacés à s’aventurer hors des zones sécurisées et à tout risque, les exposant ainsi à des risques accrus de violences.
- Santé : Les infrastructures sanitaires ont subi des actes de vandalisme et d’autres sont débordées. Caritas Butembo-Beni, avec plus de 70 établissements de soins de santé, reste engagée à offrir les soins de santé aux déplacés et aux communautés autochtones pendant ce moment de crise humanitaire dans le diocèse.
- AME, KHI, Abri et infrastructures scolaires : les déplacés, autant dans les Diocèse de Butembo-Beni que de Goma, manquent d’installations adéquates, ce qui augmente les risques, d’abri, de santé, d’éducation et de protection.
- Protection : Les déplacés sont exposés à diverses violations des droits humains, notamment des enlèvements, des extorsions, du travail forcé, le recrutement d’enfants dans des groupes armés, des violences basées sur le genre et des meurtres.
La situation au Nord-Kivu reste précaire, avec la crise du M23 et celle des ADF-NALU. Les affrontements entre les forces gouvernementales et les groupes armés, tels que le M23 et les ADF, se poursuivent, entraînant de nouveaux déplacements et exacerbant les besoins humanitaires. Les efforts de paix régionaux, dans le Grand Lac, n’ont pas encore abouti à une stabilisation durable.
Avec les derniers affrontements en ville de Goma, et la fermeture de l’aéroport de Goma depuis le 26 janvier 2025, il y a des conséquences significatives pour les déplacés :
Accès humanitaire limité : Les Nations Unies signalent que les activités humanitaires sont sévèrement restreintes en raison des combats, avec seulement les interventions liées à la santé et à l’eau, l’hygiène et l’assainissement se poursuivant. Entraves à l’évacuation : La fermeture de l’aéroport complique l’évacuation des blessés graves et des personnes nécessitant des soins médicaux spécialisés. Perturbation des chaînes d’approvisionnement : L’aéroport étant une plaque tournante pour l’acheminement de l’aide humanitaire, sa fermeture ralentit la distribution de vivres, de médicaments et d’autres fournitures essentielles aux déplacés.
La crise humanitaire au Nord-Kivu, particulièrement dans les territoires de Lubero et Beni, demeure alarmante. Les déplacés font face à des défis multiples, et la fermeture de l’aéroport de Goma aggrave leur vulnérabilité. Une réponse humanitaire coordonnée et soutenue de la part des acteurs humanitaires et de la communauté internationale est cruciale pour atténuer les souffrances et œuvrer vers une résolution durable de la crise.