Epargne, crédit et résilience : quand l’auto-gouvernance financière ouvre la voie au développement durable

Le 09 décembre 2025, dans le site de Lughutu, un événement a marqué une nouvelle étape dans la transformation socio-économique des ménages accompagnés par le programme SECAL III.

Les membres du SILC Mwangaza (Savings and Internal Lending Community) se sont réunis pour célébrer le partage de leur capital d’épargne accumulé en six mois :
5 224 500 FC, le montant le plus élevé jamais atteint depuis la mise en place des outils communautaires d’épargne et d’accès au crédit dans ce site.

Cette réussite illustre parfaitement une dynamique de développement durable en dehors du système financier formel, inspirée du modèle de la Grameen Bank, où l’autonomie, la solidarité et l’auto-gouvernance constituent les fondements du progrès économique.

Parmi les membres, Madame Germaine incarne particulièrement cette montée en puissance de l’entrepreneuriat rural. Agricultrice polyvalente, elle cultive du chou, du poireau, de l’oignon et du haricot.

À ces activités agricoles, après avoir suivi la formation sur l’entrepreneuriat, elle a ajouté un petit commerce de haricot, ce qui lui a permis de diversifier ses revenus — une stratégie essentielle dans les modèles d’économie résiliente.

Grâce à son engagement régulier dans l’épargne, souvent avec des montants variants entre 20 000 FC et 50 000 FC, elle vient de recevoir 845 000 FC lors du partage.

« Après six mois d’épargne, au partage, je viens de recevoir 845 000 francs congolais. Je contribuais parfois 50 000 francs, 40 000 ou même 20 000 francs congolais », témoigne-t-elle.

Elle encourage désormais les autres membres à suivre cette voie : « Je vais inciter les autres membres de prendre un crédit capable de booster leur revenu, et ainsi ils pourront épargner plus ».

Son exemple démontre la force de l’approche SILC, qui combine discipline, solidarité et initiatives économiques individuelles.

Épargne, crédit et diversification : les piliers d’une auto-gouvernance durable

Le succès du groupe ne doit rien au hasard. Les membres ont identifié plusieurs leviers d’amélioration de leur capacité d’épargne :

Coupler les activités agricoles avec un petit commerce, garantissant un flux de trésorerie régulier ; ne pas se limiter à un montant fixe d’épargne, ce qui donne à chacun la liberté d’épargner selon sa capacité du moment ; utiliser davantage le crédit interne pour renforcer les activités génératrices de revenu.

Cependant, le bilan de ce cycle révèle également un défi : le montant total des crédits octroyés s’élève à 3 086 500 FC, limitant le bénéfice global à 751 500 FC. Pour un système basé sur le prêt interne et le paiement d’intérêts solidaires, une faible demande de crédit reste un frein à la croissance.

La Caritas Butembo-Beni insiste :  « si les membres prenaient davantage de crédits, leurs activités économiques se renforceraient plus rapidement », et le taux d’intérêt généré serait plus élevé, créant un cercle vertueux. Malgré cela, pour le SILC Mwangaza, les résultats actuels constituent un début plein de promesses.

Une approche inclusive et transformationnelle

L’inclusion sociale est un élément fort de ce groupe. Parmi les 25 membres, on compte : 4 jeunes filles et 3 personnes à mobilité réduite.

Cette diversité montre que le système SILC n’est pas seulement un mécanisme financier : c’est un outil d’empowerment communautaire, adapté même aux personnes souvent exclues des circuits économiques classiques.

Au total, dans les quatre sites du programme — Musienene, Masereka, Lukanga et Lughutu — la Caritas Butembo-Beni a déjà mis en place 102 AVEC et SILC. Et d’ici 2026, ce nombre devrait augmenter de 20 %, un signe clair de la confiance des communautés dans ces modèles d’auto-gouvernance financière.

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Capitaliser la réussite pour un développement durable

Pour la Caritas Butembo-Beni, cette performance constitue une opportunité stratégique à saisir.
Capitaliser, documenter et partager les expériences réussies devient essentiel pour inspirer et accompagner d’autres groupes dans les zones rurales. Comme le souligne Shakes MUYISA, Chargé de Projet SECAL III :

« L’argent venant des SILC ou des AVEC ne doit pas servir à payer uniquement les soins de santé. Chacun de vous doit investir dans une activité génératrice de revenus. Avec le montant que vous avez atteint en six mois, vous allez partager votre expérience aux autres SILC et AVEC. »

Cette vision place l’épargne et l’accès au crédit au centre d’une stratégie de développement durable, où les ménages deviennent acteurs actifs et non bénéficiaires passifs.

SECAL III : une vision d’auto-gouvernance agricole et financière

Des membres du groupe SILC Mwangaza dans le site de Lughutu, territoire de Lubero, en Diocèse de Butembo-Beni. 09 décembre 2025. ©Caritas Butembo-Beni/Elie MBULEGHETI

Dans le diocèse de Butembo-Beni, territoire de Lubero, le Programme multisectoriel SECAL III (2023-2027) accompagne 2 592 ménages dans : l’agriculture, l’élevage, la pisciculture, la protection de l’environnement, l’épargne et l’accès au crédit, la bonne gouvernance.

L’approche défendue par le programme est claire : la sécurité alimentaire et l’augmentation des revenus passent par l’auto-gouvernance agricole et financière. Le modèle SILC s’inscrit donc pleinement dans cette vision.

En mobilisant l’intelligence collective, en stimulant l’entrepreneuriat local et en ouvrant l’accès au capital à ceux qui en sont habituellement exclus, Caritas transforme progressivement les communautés rurales en véritables micro-économies résilientes.

À Lughutu, le partage des 5 224 500 FC n’est pas seulement une cérémonie financière : c’est le symbole tangible d’un changement profond. Les communautés prennent en main leur avenir, bâtissent une économie locale inclusive, et démontrent que même en dehors des circuits bancaires formels, il est possible de créer de la richesse, de renforcer la résilience et d’ouvrir la voie vers un développement réellement durable.

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