Editorial – Caritas Butembo-Beni : La ‘‘Faim zéro’’ à l’épreuve de la malnutrition
Nous sommes engagés dans une lutte sans fin pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Aujourd’hui, notre marche est éclairée par les 17 Objectifs de Développement Durable (17 ODD) de l’ONU. Le deuxième « la Faim Zéro » et le troisième « la Bonne santé et le bien-être de tous » constituent notre cheval de batail.
Au Sommet du G20 qui s’est déroulé à Rio de Janeiro, au Brésil, du 18 au 19 novembre 2024, le Pape François, d’heureuse mémoire, par l’intermédiaire du cardinal Pietro Parolin, a réitéré son appel aux grandes puissances à promouvoir une paix stable et durable dans toutes les zones de conflit, afin de restaurer la dignité des personnes affectées.
Il a exhorté les chefs d’Etat et de gouvernement à éradiquer de manière efficace le fléau de la faim et de la pauvreté, ainsi que prendre ces valeurs comme priorités de leurs agendas politiques et sociaux : la dignité humaine, l’accès aux biens essentiels et la répartition équitable des ressources.
Le Saint-Père a affirmé que l’Eglise, par le biais du Saint-Siège, ‘‘continuera à promouvoir la dignité humaine et à apporter sa contribution spécifique au bien commun, en offrant l’expérience et l’engagement des institutions catholiques du monde entier” .
Dans le sillage de ce message pontifical, la Caritas du diocèse de Butembo-Beni lutte avec acharnement contre la faim et la malnutrition. Objectif, offrir à la population un avenir où la dignité et le bien-être ne seront plus un luxe. En effet, les chiffres sont accablants : près d’un enfant sur deux souffre de malnutrition chronique en territoires de Lubero et de Beni dans la Province du Nord-Kivu en RD Congo.
L’on se souvient qu’en 2021, à Tokyo, le Président de la RDC, alors auréolé de son titre de Président de l’Union Africaine, avait dressé un constat courageux, mais difficile à applaudir :
« La moitié des décès d’enfants de moins de 5 ans en RDC sont attribuables à la malnutrition ». Il avait prononcé le slogan d’une « Faim Zéro » à l’horizon 2030.
Quatre ans plus tard, les Congolais attendent encore des actions qui peuvent sauver les enfants de la malnutrition. Ils souhaitent ardemment voir les preuves concrètes de l’accomplissement de ce slogan dans leurs assiettes.
Surtout que, les enfants d’Oicha, de Mangina ou de Mabalako, eux, ne se nourrissent guère de déclarations… Leurs parents n’ont plus accès à leurs champs à cause de l’activisme des groupes armés, qui met à rude épreuve l’autorité de l’État. Derrière les pourcentages et les statistiques, les visages et les données anthropométriques dévoilent une pauvreté qui a atteint des proportions insoutenables et un vide qui se cache derrière la rhétorique politique.
La Caritas Butembo-Beni s’engage à restaurer la dignité des êtres humains en tant que personnes créées et aimées par Dieu. Elle entend mettre en pratique le message du Pape Léon XIV selon lequel l’Église encourage toutes les initiatives visant à mettre fin au scandale de la faim dans le monde à cette époque où l’on assiste à l’utilisation inique de la faim comme arme de guerre, où faire mourir les gens de faim est un moyen très bon marché de faire la guerre.
Pour ce faire, la Caritas ne ménage aucun effort pour lutter contre la faim et la malnutrition. Elle accompagne les personnes qui se dévouent au bien-être de leurs semblables. À l’orphelinat Sainte Marie, des triplets survivent grâce à quelques boîtes de lait offertes par la Caritas. À Kitatumba, une mère épuisée n’a pas pu allaiter ses trois prématurés : l’un d’eux est mort, et grâce l’intervention de Caritas, les deux restants ont été sauvés. À Musienene, une femme comme Ghislaine Kahambu nourrit trois familles déplacées grâce à l’aide humanitaire du PAM.
Chacun en sa manière essaie de pallier les insuffisances de l’Eat qui, de près ou de loin, donne l’impression d’avoir délégué la survie des citoyens aux familles, aux Eglises et aux ONG pendant que les fonds destinés à la nutrition disparaissent parfois avec une rapidité déconcertante. À défaut de nourrir les familles, certains budgets nourrissent la corruption. Les intrants nutritionnels, eux, trouvent parfois le chemin des étals des boutiques locales. Ironie du sort, dans un pays aux terres fertiles, les semences de la bonne gouvernance, elles, refusent de germer.
Pourtant les solutions sont bien connues, mais pas encore digérées. La recette existe et elle est connue de tous. Respecter les engagements ; débloquer les fonds promis ; distribuer les vivres aux déplacés, sans ruptures ni intermédiaires voraces ; soutenir les fermes-écoles, l’agro-pastorale et la pisciculture. Ici, chaque grain, chaque litre de lait ou chaque poisson devient un remède ; former les familles à une alimentation équilibrée, à l’hygiène et aux méthodes de conservation. Bref, une formule simple : remplacer les promesses par des actes. Eviter que la faim zéro ne soit mieux inscrite dans les discours que dans les assiettes.
A vrai dire, la RDC n’est pas condamnée à être le théâtre permanent de la faim. Elle dispose de toutes les ressources nécessaires à l’alimentation de sa population : sols riches, lacs poissonneux, climat favorable. Ce qui manque, c’est la volonté politique de transformer les potentialités en actions, en opportunités. En diplomatie, on appelle cela un « décalage stratégique » ; dans la vie quotidienne, on appelle cela “ la faim”.
Il est temps que l’État honore sa parole, qu’il commence par servir à table ce qu’il proclame à la tribune. Car un enfant qui meurt de malnutrition, ce n’est pas seulement un drame humain : c’est la faillite d’une promesse nationale.
Comme l’a si bien dit le Pape François dans Fratelli tutti, N° 189 : “ La faim est un crime. L’alimentation est un droit inaliénable”. Et si la “faim zéro” est un objectif, elle doit cesser d’être un slogan exporté dans les conférences. Mais il doit se traduire en une alimentation importée dans nos foyers.
Dans ce Magazine, Caritas Butembo-Beni décrit ses petits gestes. Mais ils sauvent des vies humaines : de manière générales, les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes.