Lubero en crise : entre offensives rebelles et détresse humanitaire
Depuis juin 2024, le territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu, est le théâtre de violents affrontements et de massacres de civils. Entre les incursions des rebelles du M23 et les attaques meurtrières des ADF, la population vit un véritable cauchemar. La récente offensive du M23, qui a débuté́ le 23 février 2025 à Kipese, a plongé́ la région dans une instabilité́ encore plus grande, provoquant une vague massive de déplacements.
Les villages stratégiques de Kanyabayonga, Kimaka, Luofu, Miriki, Kayna, Kirumba, Hutwe, Mbingi, Kaseghe et Alimbongo sont désormais sous contrôle des rebelles, affectant les zones de santé de Kayna, Alimbongo et Lubero. Dans la partie ouest du territoire, les ADF, affiliés à l’Etat islamique, multiplient les attaques sanglantes, semant la terreur et poussant les populations à fuir. Depuis novembre 2024, ces attaques ont fait des centaines de morts, avec des villages incendies et des familles entières endeuillées sans possibilité́ de rendre un dernier hommage à leurs proches.
Un désastre humanitaire en cours
Face à cette double menace, la situation humanitaire se détériore rapidement. Des milliers de familles, déjà déplacées plusieurs fois, cherchent refuge dans des localités supposées plus sures comme Lubero-Centre, Kimbulu, Musienene, Lukanga, Mulo, Luotu, Masereka, Kyondo et Butembo. Cependant, ces villages d’accueil sont débordés et les ressources disponibles ne suffisent plus à répondre aux besoins.
Les conséquences sont dramatiques :
Insécurité́ alimentaire croissante due à l’abandon des champs et à la flambée des prix des denrées alimentaires.
Accès limité à l’eau potable, aux soins de santé́ et aux installations sanitaires, favorisant la propagation des maladies.
Tensions sociales accrues entre déplacées et communautés hôtes en raison du partage de ressources limitées.
Risques sécuritaires pour les acteurs humanitaires, limitant leur capacité́ à intervenir efficacement.
L’Eglise locale et les organisations humanitaires appellent à une réponse d’urgence et à un engagement accru de la communauté́ internationale pour restaurer la sécurité́ et permettre aux populations de reprendre une vie normale.
L’impact de la crise sur le projet SECAL III
Le programme SECAL III, mis en œuvre par Caritas Butembo-Beni avec le soutien de Caritas Norvège et Caritas Congo, est durement touché par cette instabilité́. Ce projet, destiné à renforcer la sécurité́ alimentaire et les capacités économiques des ménages ruraux, est en danger.
Tous les sites pilotes du programme – Musienene, Lukanga, Luotu et Masereka – sont directement impactes :
Déplacements massifs : Les bénéficiaires du projet ont dû fuir les violences, perturbant les activités agricoles et économiques.
Infrastructures en péril : Le centre d’alevinage de Musienene est abandonné́, menaçant la pisciculture locale. L’étable et le grenier de Lukanga sont exposés aux pillages.
Menaces sur le personnel humanitaire : la Caritas Butembo-Beni a été́ contrainte d’évacuer leurs agents après plusieurs incidents sécuritaires, notamment le pillage dans plusieurs ménages le 21 février 2025.
Les forces armées congolaises, en recul dit « stratégique » face aux offensives du M23, ont elles-mêmes aggravé la situation en pillant la paroisse de Lukanga et des commerces à Musienene. Une psychose générale règne dans la région, empêchant les agriculteurs de cultiver leurs champs et les groupes de solidarité́ financière de se réunir.
Un appel à l’action
Face à cette catastrophe humanitaire et économique, une intervention immédiate est nécessaire pour :
1. Renforcer l’assistance humanitaire aux populations déplacées et aux communautés hôtes.
2. Protéger les infrastructures essentielles au programme SECAL III afin de garantir la survie des activités agricoles et économiques.
3. Assurer une présence sécuritaire dans l’ouest du territoire de Lubero, laissé sans protection face aux massacres des ADF.
4. Exhorter la communauté́ internationale à trouver une solution durable à cette crise et à restaurer la paix dans la région.
Lubero est en train de sombrer dans un chaos humanitaire et sécuritaire. Sans une réponse urgente, les populations locales risquent de payer un prix encore plus lourd face à l’inaction et à l’indifférence du monde.